Récit de Pierre Ligonie & Céline Lebaudy, respectivement gérant et ex commerciale logisticienne chez Terra Caribea. |
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“Golfito, enfin… Nous descendons du bus, fourbus et écœurés. Pendant plus de dix heures, nous avons eu droit à leur salsa. Abrutis par la musique, étouffés par la chaleur et la promiscuité, sur des banquettes pour trois, le voyage a été un enfer.”
Voici les premiers mots du livre qui m’a permis de créer mes premières images du Costa Rica avant d’y atterrir. Ce sont les premiers mots d’Oro, best seller sorti en 1985, oeuvre du charismatique et controversé Cyzia Zyke, qui relate une période de sa vie consacrée au montage d’une exploitation d’or au Costa Rica au cœur de la péninsule d’Osa.
Autour de sa passion et de son attraction pour ce métal doré, il fait l’éloge de la drogue, de la violence et du sexe. On y apprend comment survivre et se faire respecter en forêt, entouré par une bande de brigands et d’alcooliques, ce qui me permit de mettre en place les bases de ma formation de chef d’équipe !..
Depuis la lecture de ce livre, ce morceau de la carte avait un vrai goût d’aventure. Il ne me restait plus qu’à aller y confronter l’imaginaire que j’avais développé autour du nom de ces lieux avec la réalité du moment.
C’est en compagnie de Céline que cette aventure s’est faite, elle travaillait alors comme commerciale logisticienne chez Terra Caribea. Ses aventures ont depuis pris la direction d’autres jungles plus urbaines.
Nous avons jugé qu’une semaine de reco nous permettrait de connaître les principaux lieux de cette péninsule dont la découverte est rendue difficile par les pistes qui la parcourent et les conditions climatiques. Ce sont ces mêmes conditions qui nous firent opter pour une découverte en 4×4 et non en bus local comme dans Oro…
Notre première étape est Piedras Blancas, pour rejoindre un village de dendrophiles – entendez personnes vivant dans les arbres. Nous cherchons une communauté d’Américains ayant construit un ensemble de cabanes dans les arbres et proposant de louer ces constructions.
Ces personnes souhaitant préserver leur projet et filtrer leurs visiteurs, la première difficulté fut de les contacter puis de les localiser puisque tout était fait pour ne pas les trouver. Cette première mission fut remplie avec succès, grâce à une petite enquête locale qui nous permit de découvrir ce secret bien gardé… La découverte est de taille puisque ce sont de véritables maisons plus que des cabanes que nous visitons pendant quelques heures, passant du salon à la cuisine par un pont de singe à 30 m du sol. La forêt entourant ces œuvres architecturales ne fait que rendre l’endroit encore plus sauvage, et nous avons vraiment l’impression d’avoir atterri dans un village d’irréductibles environnementalistes.
Une discussion avec l’un des gérants du projet nous fait comprendre qu’il s’agit avant tout de location à long terme et que l’adhésion à la vision de la communauté sur la relation entre l’homme et la nature est un critère d’importance pour venir séjourner ici. Son visage et ses mollets recouverts de milliers de piqûres de moustiques nous intriguent. Il nous explique que cela est dû à son choix de ne pas utiliser de produits chimiques répulsifs. Cela nous éclaire un peu plus sur le niveau d’adhésion qu’ils demandent pour venir passer une nuit dans la canopée… et sa façon de se gratter frénétiquement pendant nos échanges nous fait un peu douter du fait qu’il respectera sa propre idéologie en séjournant plusieurs mois ici… Nous repartons donc convaincus d’avoir vu un des plus beau projet de cabanes dans les arbres du pays, mais pas forcément un des plus facile à proposer à nos voyageurs.
L’insolite est au rendez-vous !
Notre première journée se termine à la Palma, la « porte d’entrée Nord-Ouest » du Parc Corcovado nommée secteur “de los Patos“. Le propriétaire de la Danta Lodge où nous dormons nous explique comment fonctionne cette entrée q’un seul;véhicule (un énorme tracteur) permet de rejoindre. Le chemin recroise plus d’une vingtaine de fois la rivière et même les guides locaux ont parfois la bonne idée de se perdre à cause de l’évolution permanente de la végétation et des chemins de boue.
Ce sont entre 6 et 7 heures de randonnée au cœur de la jungle qui attendent les plus aventuriers, pour rejoindre la station de rangers de la Sirena, située au Sud du Parc. Quelques passages de Oro résonnent alors en moi : « La remontée du fleuve Madrigal est pénible. Il n’y a pas de chemin tracé car nous sommes maintenant dans le parc national de Corcovado, interdit aux chercheurs d’or. Ce qui m’oblige à marcher sur pierres et rochers afin d’éviter de laisser des empreintes trop visibles.[…]Le quatrième embranchement me semble bien loin, et je commence à avoir des doutes car nous sommes en pleine saison des pluies et ces averses torrentielles forment de nombreux petits ruisseaux. Je décide de suivre l’un d’eux et je marche pendant plusieurs heures sans rencontrer l’arbre foudroyé. Les berges deviennent de plus en plus escarpées et la rivière se rétrécit pour devenir un filet d’eau qui disparaît. J’ai dû me tromper quelque part, cela fait plus de six heures que je marche. ».
Nous passons la nuit bercés par les bruits de la jungle et sommes réveillés par les singes hurleurs.
Dès le matin nous prenons la direction du sud, pour rejoindre Puerto Jimenez, amicalement appelé Port Jim.
Il s’agit de la plus importante agglomération de la péninsule. C’est là que les habitants viennent s’approvisionner en marchandises, et c’est un peu le point de connexion avec « le continent », et la ville de Golfito, située de l’autre côté du Golfo Dulce. Bien qu’étant une péninsule, on a l’impression qu’Osa est une île, un bout de pays bien à part.
Nous choisissons de déjeuner au bord du Golfo Dulce, pour observer les allers et venues des bateaux qui traversent ce bras de mer étonnement calme. Une avionnette survolant le golfe nous arrive droit dessus et passe à quelques dizaines de mètres au-dessus de nos têtes dans l’indifférence générale des locaux. Cela nous laisse penser que l’aérodrome local n’est pas loin, impressionnant tout de même ! Tout le monde est de toute façon bien plus intéressé et préoccupé par l’installation de l’écran qui permettra de voir le match de foot Costa Rica – Grèce, en huitièmes de la Coupe du Monde 2014 au Brésil. Ce pays méconnu de beaucoup, vient de créer la surprise et de chambouler orgueilleusement tous les pronostics des plus grands spécialistes en sortant premier du groupe « de la mort » (Italie, Uruguay, Angleterre, excusez du peu !).
Nous allumons la radio et prenons la route pour quelques visites d’hôtels. Les personnes qui nous font visiter les lieux tentent toujours de jeter un coup d’œil sur un écran, histoire de suivre le match, entre deux visites de chambres. Nous sommes dans le 4×4 lorsque, vitres fermées, nous entendons par-dessus les grésillements de la radio et le bruit du moteur la bourgade de Puerto Jimenez qui s’embrase. Incroyable ! Ils l’ont fait ! Ils viennent d’ouvrir le score. Les interminables Gooooooooooooooooollllll des commentateurs sportifs retentissent de partout.
Nous continuons nos visites et retraversons quelques minutes plus tard le « centre » de la ville qui semble désertée. Nous avons l’impression d’être dans un village de Western avant l’arrivée de Jessie James … le seul son que nous entendons est le cœur que forment toutes les télévisions qui retransmettent le match, les commentaires des présentateurs s’échappent des fenêtres et des portes entrouvertes. Le pays retient sou souffle.
Pour la suite de notre voyage nous nous engageons toujours plus au Sud de la péninsule pour rejoindre le village de Caraté, là où s’arrête la piste. Un regroupement de personnes et de chevaux nous intrigue et nous décidons de nous arrêter. Les visages sont graves et nous apprenons que la Grèce vient d’égaliser, ce qui annonce les tirs aux buts. Tout le monde se met à douter, personne n’y croit vraiment mais tout le monde y croit quand même.
A l’écart des postes de télévision, les habitants nous expliquent qu’a lieu en ce moment une fête des villages alentours, occasion pour laquelle les éleveurs de chevaux et les agriculteurs ont fait venir des animaux pour une sorte de rodéo. Je retrouve l’ambiance musclée d’Oro et la passion de certains locaux pour le guaro (alcool local) :« Les bagarres sont monnaie courantes et Brett est assez souvent obligé de faire le coup de poing. Il doit sortir, en les traînant par les pieds, des types à moitié inconscients allongés sur le planchers crasseux, pour les jeter dehors ou ils finissent la nuit, le nez dans leur vomi.” Le jeune homme allongé par terre semble attester de la véracité de cette description. Le spectacle est plutôt viril, mettre une vache à terre par les oreilles ne semble pas évident, et elle ne semble d’ailleurs pas comprendre l’acharnement des participants pour y arriver.
Nous continuons notre route pour arriver au Lapa Rios, un des plus anciens Ecolodge de la région.
Le luxe dans la forêt. Le réceptionniste, tiraillé entre nous énoncer tous les services incroyables qu’offre l’hôtel et savoir quel est le score des tirs au but, restera professionnel jusqu’au bout. Ses cinq collègues, après un cri de victoire, finissent par tous sortir des cuisines et lui annoncer que le Costa Rica est qualifié pour les quarts de finale de la Coupe du Monde contre les Pays-Bas ! Le guaro coulera à flot dans la nuit de Port Jim et cette fois, c’est tout le pays qui vibre.
Après plusieurs minutes de réjouissances collectives, notre guide nous accompagne pour une balade nocturne dans les jardins du lodge. Nous y observons alors de nos propres yeux la fameuse grenouille aux yeux rouges, et sa photogénie nous surprend.
Le lendemain, nous atteindrons Carate en fin de journée après quelques heures de voiture et plusieurs visites de lodges totalement perdus en forêt. Bien que très isolés, le luxe et la qualité des services seront pourtant au rendez-vous.
Nous nous arrêtons à la Finca Exotica et notre plan est d’aller jusqu’à la Léona lodge, un ensemble de tentes de luxe, installées directement sur la plage et accessibles seulement à pied après environ une heure de marche dans le sable.
Un orage s’abat alors sur nous et cette randonnée sous les éclairs se transforme en une aventure en soi, mais nous freine. L’invitation des hôtes à séjourner une nuit et à goûter la cuisine de leur chef finit de nous séduire et nous ne le regretterons pas !
Le propriétaire des lieux est un architecte allemand exilé au bout du monde depuis plusieurs années. Il a construit tout une série de bungalows avec l’idée que tout soit le plus ouvert possible afin de sentir l’immersion dans la forêt. Vous vous retrouvez donc à dormir dans un grand lit sous moustiquaire avec la sensation d’être en pleine forêt, sans mur, profitant ainsi de tous les bruits de la nature pour vous bercer. Une expérience assez magique. Le lendemain matin il me confirmera que le bruit de pas lourds à quelques mètres de la cabane qui m’a réveillé à 2h du matin était sûrement celui d’un Tapir, animal assez courant de la région… et pouvant peser plusieurs centaines de kilos !
Le matin nous reprenons notre itinéraire pour rejoindre la Leona Lodge. Nous nous trouvons cette fois à la porte Sud du parc Corcovado, dans une ambiance beaucoup plus maritime, les aras rouges nous accompagnent par nuage, le spectacle est fabuleux.
A peine le temps de visiter que nous devons repartir, car nous devons traverser toute la péninsule sous la pluie avec le doute de ne pas passer à cause des crues de rivière.
Nous hésitons et appelons nos hôtes de la nuit précédente qui se renseignent et nous confirment que cela passe… Honnêtement, face à ce cours d’eau d’une trentaine de mètres de large, nous doutons. C’est alors que sortie de nulle part s’engage depuis la rive opposée une moto qui après une rapide analyse de la situation se lance, l’eau recouvrant presque entièrement la machine. Ses passagers passent devant nous en nous saluant d’un petit sourire voyant notre hésitation de jeunes gringos des villes face à la rivière. Tout semble dire que cela passe et nous nous engageons franchement sur leur trace, non sans une certaine anxiété, et nous voici de l’autre côté !
Plus que quelques minutes pour atteindre le refuge de Sir Francis Drake.
Etant arrivés de nuit, ce n’est que le matin suivant que nous découvrons la grande et paisible plage de Drake Bay.
La mer y est calme et nous comprenons alors pourquoi Francis Drake décida d’en faire un point d’escale lors de ses voyages dans les environs. Certaines légendes racontent évidemment qu’il y cacha quelques trésors pillés à l’Armada espagnole.
Nous commençons nos visites dans le village d’Agujita, espérant nous-même découvrir quelques petits trésors à proposer à nos futurs voyageurs. Le plus intéressant commence là où s’arrête la route. Nous devons continuer à pied car c’est le moyen le plus pratique pour visiter un maximum de lodges le long de la côte.
Sac à dos et casquette siglés du logo de l’agence, nous nous engageons sur ce sentier côtier. L’humidité et la chaleur environnante mettent rapidement à mal les slogans de nos déodorants : « efficace 48 h, … sauf à Osa, compter 25 min »…
C’est donc dégoulinants que nous arrivons pour visiter les plus beaux hôtels de la région, tentant de faire durer le moment des présentations ayant souvent stratégiquement lieu sous un grand ventilateur de plafond, accompagné d’un bon jus de fruits frais. Nos hôtes sont parfois surpris de nous voir arriver et repartir à pieds avec nos gros sacs à dos, et sont plus habitués aux inspections avec arrivée en bateau tout beau tout propre… ou à l’absence de visite de la part des agences. Nous appellerons cela la Terra’s touch. Notre périple s’arrêtera pour aujourd’hui au Copa de Arbol, sûrement le lodge le plus luxueux de la zone … nous savons tout de même apprécier le confort !
Chaque hôtel porte un peu la légende de son/ses propriétaires. Pour le Copa de Arbol il s’agit d’une bande d’amis surfeurs, aficionados de cette région du Costa Rica qui ont décidé de construire eux-même un hôtel de luxe sur un terrain qu’ils ont acquis pour une bouchée de pain à l’époque où cette zone était trop sauvage pour attirer les touristes. Cette légende nous sera racontée dans d’autres hôtels. Qu’en penser ? Sûrement que nous ne sommes pas loin de l’eldorado des surfeurs… et que quelle que soit leur histoire, arriver à développer de telles structures et une telle qualité de service dans un endroit si sauvage demande une certaine dose de folie et d’acharnement, et inspire le respect.
Le lendemain, nous continuons notre périple côtier, cette fois en bateau, pour un débarquement sur les plages de San Josecito, nous sommes à la troisième et dernière porte du Corcovado, tout proche de San Pedrillo.
La vue de la forêt depuis notre embarcation est très impressionnante. Je m’amuse à imaginer quelques orpailleurs clandestins cachés dans ces montagnes qui eux aussi nous observeraient.
Le plus délicat lors du déplacement en bateau est l’arrivée et le départ, du fait des vagues qui déferlent sur la plage. Il y a plusieurs écoles, celle des kamikazes, qui vont tout droit et font débarquer le bateau sur le sable, et celle des surfeurs, qui observent les séries de vagues et choisissent le bon moment pour passer et faire débarquer les gens en vitesse.
Au large on devine sur l’horizon l’isla del Caño, connue pour la richesse de sa faune marine, une île, la forêt, des pirates… tout est réuni pour une belle chasse au trésor… nous reviendrons.
Après quelques jours de plus d’exploration de la région nous quittons la presqu’île. L’odeur de nos affaires humides dans le sac nous suivra jusqu’à San José. Comme une odeur animale qui nous accompagne, témoin de notre passage par Osa. Il y a évidemment plein de rencontres et d’aventures que je n’ai pas racontées dans ce récit déjà bien long.
Par exemple, celle du Canadien à moitié fou de Caraté arrivé là avec les exploitants d’or et qui insulte les passants qui foulent sa terre, ou bien celle de l’hôtel fier d’avoir accueilli un nid de Fer de lances (serpent extrêmement venimeux) près de sa piscine, ou encore celle de l’Américaine venue construire il y a 20 ans un centre de yoga en plein cœur de la forêt avec sa mère et sa sœur et dont le rire perçant résonne encore dans mes oreilles, sans oublier tous les hôtels sordides cachés derrières de beaux sites internet, que nous ferons un plaisir de ne pas proposer à nos voyageurs…
Petit à petit le livre de cette mini aventure se referme. Nous nous sentîmes à la fois explorateurs, pirates, chercheurs d’or voire prince/princesse de la jungle. Nous reviendrons pour connaître le cœur de ce parc en quête de nouveaux trésors, nouvelles pépites et nouvelles aventures.
Retrouvez en ligne le circuit 100% Osa, inspiré de ce voyage de reco.
Contactez Pierre pour plus d’infos sur ce séjour.